Le procès de Judas Priest

ATTENTION ! ! ! !

Les informations contenues dans l’audio ci-dessous peuvent contenir des informations sensibles et traitent d’un sujet pouvant heurter. Il y est notamment question de suicide. Si tu ne souhaites pas écouter le podcast, un texte résumé te sera proposé par la suite.

Les dessous de l’affaire

Noël 85, deux jeunes gens de la banlieue de Reno dans le Nevada tentent de se suicider. Le premier réussit, le second est affreusement défiguré. Pour leurs parents, un seul coupable possible : le groupe de heavy-metal Judas Priest. Le procès qui s’ensuit est celui d’une certaine Amérique décidée à transformer une musique débridée et hédoniste en bouc émissaire, accusée de tous les maux. Avec quelques scènes surréalistes à la clef…

Nous sommes les 23 décembre 1985, à Réno dans le Nevada. Ronald Reggan, un républicain conversateur, est alors président des Etats-Unis, pays-continent où les disparités de population sont importantes. Parmi celles-ci, se trouvent des oubliés, des laissés pour compte pour qui aucun avenir n’est permis. C’est à elles que s’adressent le Heavy Metal, musique de ralliement servant d’exutoire. Parmi ces oubliés, James et Ray, 18 et 20 ans ayant grandi dans un contexte familial ultraviolent, écoutent l’album Stained Class du groupe Judas Priest et décident alors de se donner la mort. Si Ray y parvient après avoir prononcé ces mots : « j’ai bien foutu ma vie en l’air », James, lui, se rate, et sera défiguré à vie. Pour les familles et pour James, un seul coupable désigné : Judas Priest et la musique metal.

Le contexte

A cette époque, et encore aujourd’hui dans l’Amérique trumpiste, la religion prend une place importante. Chaque citoyen appartient à une église, et beaucoup de choses sont prétextes à pousser les gens vers Satan : Hollywood, les jeux vidéos, les jeux de rôle, et le heavy metal entre autres. Une activiste nommée Tipper Gore, qui à l’époque souhaitait déjà interdire de diffusion certains groupes et certains morceaux, obtient l’apposition d’un bandeau préventif sur les contenus considérés comme offensants. Judas Priest n’échappe pas à cette nouvelle règle, eux qui font partie des groupes les plus populaires de l’époque, et se sont déjà produits devant pas moins de 700 000 personnes.

La défense de Judas Priest

En août 1990 se tient donc le procès de Judas Priest, mis sur le banc des accusés. Mais que leur reproche-t-on au juste ? Les termes exacts sont « mise sur le marché d’un produit défectueux causant des dommages à l’utilisateur ». En outre, on parle de « vice caché ». Cela signifierait qu’il y aurait des messages subliminaux susceptibles d’avoir poussé Ray et James à commettre l’irréparable.

Plusieurs groupes ont été accusés de diffuser des messages subliminaux : Les Beatles avec Rain, le premier morceau à avoir été enregistré à l’envers, Queen, Led Zeppelin… La théorie n’est donc pas nouvelle. Ici, c’est le morceau Better by you, better than me, pourtant une reprise du groupe Spooky Tooth, qui est visé, car on y entendrait le message… « Do it », que l’on pourrait traduire par « fais le ! ».

Les concerts de Judas Priest sont considérés alors par les familles des victimes comme des séances d’hypnose de masse, et le chanteur, Rob Halford, comme un gourou. Celui-ci enregistra alors une chanson à l’envers et la diffusa à la Cour. Les gens entendirent alors des choses farfelues du type « Maman, ma chaise est cassée », ou encore « donnez moi un bonbon à la menthe », preuve que l’on peut faire dire ce que l’on veut à des messages subliminaux.

Verdict et conclusion

Le juge Whitehead rend son verdict le 24 août 1990 et arrive à la conclusion que Judas Priest n’est en aucun cas responsable de la mort de Ray. Les messages subliminaux ne sont pas intentionnels et ne sont que la combinaison fortuite de plusieurs éléments qui n’ont pas pu influencer leur comportement. Le groupe est donc acquitté.

Mais qui donc est coupable ? Selon le juge, le contexte familial hautement dysfonctionnel. Pour preuve : la sœur de Ray n’a jamais écouté de heavy metal, mais a pourtant tenté de se donner la mort à deux reprises. Quant à James, il prétend que son activité préférée est de boire de l’alcool et de consommer de la drogue. D’ailleurs, il n’a été sobre que 2 semaines au cours de ces 5 dernières années. Quand on regarde les arguments développés par les deux camps, la position des parents apparaît assez vite comme intenable. Avec un peu de recul, il ne fait guère de doute que ce drame est le résultat de leur parcours chaotique bien plus qu'une quelconque influence de Judas Priest. Les faits redeviennent alors le drame de deux jeunes drogués décidés à en finir. Ce qui est plus grave est que les parents auraient peut-être pu prévenir le drame s'ils avaient mieux cerné la place de Judas Priest dans la vie des adolescents. Aveuglés par leurs préjugés, notamment religieux, ils ont la certitude que leur enfant est suicidaire parce qu'il écoutait Judas Priest au-delà du raisonnable.

L'inverse est cependant plus logique : l'enfant écoutait Judas Priest au-delà du raisonnable parce qu'il était suicidaire.Il aura donc été plus facile pour la famille de rejeter la faute de ce drame sur le dos d’un groupe de musique plutôt que d’assumer ses propres responsabilités. Plutôt que de questionner un modèle familial plus que défaillant, la famille s’est empressée d’accuser le heavy metal alors que, comme l’a mentionné Rob Halford « Si j’avais eu le pouvoir de glisser des messages subliminaux dans mes chansons, j’aurais incité mes fans à acheter des disques, plutôt qu’à se supprimer ».

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